Avec Valéry, son mari, maître fauconnier depuis plus de vingt ans, Véronik Marche, 47 ans, gère une fauconnerie à Saint-Lanne dans les Hautes-Pyrénées. En juillet 2010, un accident de la route est venu bouleverser son travail avec les oiseaux.
« Tenir un rapace au poing est l’une des expériences les plus passionnantes qu’il m’ait été donné de vivre. Sentir la puissance des serres sur sa main et son avant-bras, protégés par le gant de cuir, rappelle que, même dressé, l’animal reste sauvage. Tout est une question de confiance. Il faut passer beaucoup de temps avec eux pour tenter de percer un peu le mystère des oiseaux de proie.
Mon mari Valéry m’a ouvert les portes du monde de la fauconnerie. Maître fauconnier depuis plus de vingt ans, notamment à Provins (77), il m’a transmis sa passion puis initiée au langage et aux gestes de cet art très ancien. J’ai été son élève. L’univers des rapaces est fascinant. Il faut des années pour parfaire l’apprentissage de l’affaitage (dressage). Installés à Saint-Lanne, à une quarantaine de kilomètres de Tarbes depuis 2007, nous proposons des démonstrations en vol libre en intérieur et en extérieur et des spectacles en costumes d’époque médiévale.
Le contact des animaux procure un grand réconfort
L’accident de la route qui m’est arrivé en juillet 2010 est venu remettre en question beaucoup de choses. Suite à un choc septique, j’ai été amputée des deux jambes. Se relever d’un tel bouleversement psychologique est un long cheminement parsemé de fréquentes rechutes. S’accepter tel que l’on est, renouer avec sa féminité, découvrir la coexistence de deux mondes, les valides et les autres, tout prend beaucoup de temps… Heureusement, je suis très entourée par mes proches. Et le contact des animaux procure un grand réconfort.
Les longues semaines d’hospitalisation m’ont éloignée des oiseaux. En sortant du centre de rééducation, j’ai dû retrouver ma place dans la fauconnerie. Mais en fauteuil roulant, impossible d’entrer dans les volières pour le nettoyage ou le nourrissage. Toute cette partie un peu ingrate de notre activité est indispensable pour préserver le lien. La relation aux oiseaux ne se travaille pas seulement au gant. Elle commence dans des actes quotidiens. Il faut créer une proximité avec les rapaces. Certains individus qui m’avaient côtoyée, valide, ont eu du mal à accepter le fauteuil. J’ai ressenti leur stress quand j’ai voulu recommencer les démonstrations. À présent, nous sommes deux, le handicap et moi. Certains se sont habitués. Peu à peu, je suis parvenue à renouer le contact. Pour d’autres, le blocage reste définitif.
Les rapaces, surtout les nocturnes (chouettes, hiboux), sont des animaux sensibles et délicats. Nous faisons de l’élevage et de la reproduction. Je me suis occupée de petites chouettes effraie dès leur sortie de l’œuf. Elles me connaissent avec mon handicap. Un jour où je devais sortir, j’avais mis mes prothèses. En entrant dans la pouponnière pour les nourrir, j’ai tout de suite compris qu’il se passait quelque chose d’inhabituel. Elles se sont mis en position de défense sur ces « jambes » qui ne leur étaient pas familières.
Nous avons un projet de ferme pédagogique sur les rapaces
Si Valéry continue à beaucoup bouger pour les démonstrations de fauconnerie, j’ai réduit mes déplacements. Tant que vous n’êtes pas confronté au handicap, vous ignorez la réalité de la société actuelle, le manque d’infrastructures. Pour diversifier nos activités, nous avons un projet de ferme pédagogique sur les rapaces, autour de l’interaction entre l’homme et la nature. Nous attendons l’autorisation administrative. Nous avons imaginé différentes aires de présentation des espèces d’oiseaux avec des décors rappelant leurs continents d’origine. Nous accueillerons des groupes de scolaires ou d’adultes. Bien sûr, l’ensemble du site sera entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite. »
Propos recueillis par Claudine Colozzi – Photos Fauconnerie Marche
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