08/11/2015

Chroniqué ciné --En Equilibre

Dans En Equilibre, un film de Denis Dercourt sorti en avril dernier, Albert Dupontel joue le rôle d’un homme en fauteuil roulant. Serait-ce devenu un passage obligé, pour tout bon acteur, d’interpréter un personnage en situation de handicap ?

Marc (Albert Dupontel), cascadeur équestre de profession, est victime d’une mauvaise chute lors d’une cascade qui tourne mal. Il se retrouve « paraplégique D10″, comme on dit dans le milieu : cela signifie qu’il est paralysé au niveau des jambes, et du torse à partir des seins. Florence (Cécile de France) travaille quant à elle dans une compagnie d’assurance et est en charge du dossier de l’accident de Marc.

La relation qu’ils entretiennent est tout d’abord conflictuelle, chacun étant d’un côté de la barrière : Florence cherche à minimiser l’accident et à faire accepter l’offre de sa compagnie à Marc, alors que ce dernier ne veut pas accepter ce qu’il considère comme une indemnisation au rabais. Petit à petit, les deux apprennent cependant à se connaître et des sentiments finissent par fleurir.

Un paradigme oppressant entre vie d’avant et vie d’après

Le film commence par une scène où l’on voit Marc faire des cascades à cheval sur la plage. Il prend son temps, savoure assis dans le sable le simple fait d’être avec son cheval. Lors de la scène qui suit, il est en fauteuil, à un repas organisé par ses amis suite à son retour à domicile. Juxtaposer ces deux moments chargés de symbolisme met automatiquement en opposition sa vie de personne valide et sa vie de personne en fauteuil roulant. Cela relève certes d’une réalité, mais semble aussi donner un certain ton, amer ou pessimiste, au film : on s’attend alors à ce que sa vie d’avant soit présentée comme heureuse, et celle d’après complètement détruite et sans intérêt.

Bien sûr qu’une paraplégie suite à un accident crée deux vies en une, mais était-ce obligatoire de le mettre en exergue de cette manière ? Une autre scène, peu de temps après, montre Marc discutant avec Florence dans le cadre de leur relation professionnelle. Celle-ci lui dit que, de toute manière, il a tout perdu ses jambes, son travail, sa passion et que, vu son handicap, les médecins sont formels, il ne pourra jamais remonter à cheval. Au bout d’à peine une vingtaine de minutes, l’ambiance du film est déjà plutôt lourde.

Un film qui déjoue sa propre pesanteur

Par la suite, on verra pourtant Marc trouver des solutions pour remonter à cheval, pour mener la vie qu’il veut. Ce n’est pas redondant, ce sont juste des scènes qui s’égrènent au fil du film et viennent contrecarrer cette scène où Florence le réduisait à un homme paraplégique ne pouvant plus rien faire. Il y a également plusieurs moments où Marc provoque Florence, la pousse à être honnête et franche sans tenir compte du handicap, qui a tendance à inhiber les gens : comme ceux qui, par exemple, n’osent plus vous traiter d’abruti. Et pourtant, l’un et l’autre peuvent très bien aller de paire !

La sensation de pesanteur des premières scènes est alors peu à peu neutralisée et le réalisateur semble semble vouloir montrer et prouver que non, une personne paraplégique n’est pas condamnée à être malheureuse. Et que oui, elle peut faire énormément de choses. Il y a là un petit côté démagogique, mais qui a l’avantage de rester au second plan, l’histoire entre Marc et Florence devenant finalement l’aspect le plus important du récit : on se retrouve devant un film parlant d’amour et de rêves. Le handicap est toujours là, il permet de parler de tous ces sujets mais parvient à se faire oublier. Beaucoup de scène montrent d’ailleurs Marc en plan serré, au dessus de la taille. Un choix qui n’est pas anodin qui peut être perçu comme une volonté de ne pas montrer le fauteuil… ou, surtout, de faire passer l’homme avant son handicap.

Malgré son amorce un peu rebutante, le spectateur du film En Equilibre se laisse pourtant embarquer dans cette jolie histoire. Bien sûr que l’on voit le coté dur du handicap, mais comment le nier quand il vous force à reconsidérer votre vie, à revoir votre quotidien et tout ce que vous croyez acquis ?


 

14:31 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

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