09/06/2018

Polyhandicap : le laissé-pour-compte du handicap ?

Handicap.fr : Vous êtes inquiète, voire en colère. Pour quelle raison ? 
Monique Rongières, présidente du GPF : Parce que mon leitmotiv, depuis 40 ans, c'est : « Arrêtez de laisser les polyhandicapés au bord du chemin ». Nous avons besoin de sensibiliser au polyhandicap pour qu'il soit enfin reconnu, y compris par nos décideurs.

H.fr : Combien de personnes sont concernées en France ?
MR : 880 cas nouveaux par an et 1,28 naissances sur 1 000. Le ministère de la Santé annonce 32 000 personnes au total, chiffre que nous multiplierions bien par deux, voire trois.

H.fr : Ce n'est pas forcément un handicap de naissance ; il peut aussi être acquis ? 
MR : Il peut évidemment survenir au cours de la vie et toucher des adultes. Il y a, notamment, des maladies rares qui conduisent fréquemment au polyhandicap. Ce chiffre concerne donc à la fois les enfants et adultes.

H.fr : Lorsqu'Emmanuel Macron, lors de sa campagne, annonce qu'il souhaite faire du handicap l'une de ses priorités, êtes-vous rassurée ? 
MR : Disons que j'espère, avec une grande vigilance. À l'époque, monsieur Macron avait d'ailleurs déclaré sur votre site (article du 21 avril 2017 en lien ci-dessous) : « J'aurai la plus grande attention pour nos compatriotes polyhandicapés qui ont besoin de réponses précises et adaptées à la complexité de leur situation ».

H.fr : Que s'est-il passé depuis un an ? Avez-vous été reçue par Sophie Cluzel ? 
MR : Au nom du Groupe polyhandicap France, nous lui avons envoyé de nombreux courriers, restés sans réponse ! Nous avons été reçus une fois par sa directrice de cabinet. Alors les conclusions que je tire de cela c'est qu'on nous écoute mais qu'on ne nous entend pas.

H.fr : Y-a-t-il eu des promesses qui n'ont pas été tenues ? 
MR : La précédente secrétaire d'État au handicap, Ségolène Neuville, avait mis en place un « volet » polyhandicap mais jamais de « plan ». Il y a eu trois Copil (comité de pilotage) en 2016, avant adoption par le CIH (comité interministériel du handicap). Le dernier Copil s'est achevé en avril 2017. En décembre de la même année, un comité de pilotage, composé du GPF et d'autres associations, est organisé par le nouveau gouvernement. Un seul. Point final !

H.fr : C'est à dire ? 
MR : Il ne s'est réuni qu'une seule fois au ministère. Et aucune autre date n'est programmée. À la suite de ce volet, nous avons formé le « Collectif polyhandicap » avec d'autres associations comme le Cesap, gestionnaire très spécialisé polyhandicap, APF France handicap, la Croix-Rouge.... Le GPF en est le porte-parole car nous ne gérons pas d'établissements et, de ce fait, sommes un petit peu plus « indépendants ».

H.fr : Pourtant les associations que vous citez ont du poids. N'arrivent-elles donc pas à se faire entendre sur ce sujet ? 
MR : Elles ont du poids mais sont plus généralistes.

H.fr : À ce propos, quand APF France handicap déclare qu'elle veut s'ouvrir à d'autres handicaps (article en lien ci-dessous), et notamment au polyhandicap, qu'en pensez-vous ? 
MR : Je travaille beaucoup avec eux mais ils n'agissent pas toujours dans la même lignée que nous car ils restent généralistes. Mais ils se donnent à fond.

H.fr : Vous ne le voyez donc pas d'un mauvais œil ? 
MR : Non, pas du tout.

H.fr : Si l'on compare avec l'autisme -on parle de 600 000 personnes en France-, avez-vous le sentiment que la population de personnes polyhandicapées a fatalement moins d'impact ? 
MR : C'est évident. C'est aussi une question d'image. Le grand public a du mal à regarder. Les politiques sont dans la même veine ; il y a des choses qu'on n'a pas envie de voir ni de connaître. Il faut changer le regard de la société.

H.fr : De votre côté, menez-vous des actions pour tenter de les sensibiliser ? 
MR : En 2015, une sénatrice avait proposé qu'une journée du polyhandicap soit instituée en France. Elle n'a jamais abouti. Depuis, nous avons envoyé un grand nombre de lettres ouvertes où nous expliquons que le polyhandicap est méconnu et négligé. Au Sénat, nous avons été reçus par quatre sénateurs ; l'un d'eux nous a expliqué qu'il était concerné donc nous avons été très écoutés. L'implication vient souvent du fait que la personne est personnellement touchée.

H.fr : Et de la part de Sophie Cluzel ?
MR : J'ai l'impression qu'elle n'a pas beaucoup d'intérêt pour le polyhandicap.

H.fr : Lorsqu'en octobre 2017, la rapporteure de l'Onu affirme qu'il faut fermer les établissements, même pour les personnes polyhandicapées (article en lien ci-dessous), comment réagissez-vous ? 
MR : Suite à sa visite, elle a en effet conclu que tous les établissements étaient mal gérés, bons à fermer, et qu'il y avait de la maltraitance. Elle a un peu trop généralisé. Je lui ai donc écrit aussitôt une lettre en recommandé, avec copie à Sophie Cluzel. Petite réponse timide : « Mais non, on ne va pas les fermer ». Et, pourtant, la désinstitutionalisation est en marche, situation délétère pour les personnes polyhandicapées.

H.fr : Pour quelle raison ? 
MR : L'enfant polyhandicapé, par sa grande dépendance, doit être accompagné en permanence en assurant la continuité du parcours de vie à l'âge adulte. C'est vraiment un handicap spécifique, qui mêle trouble mental, moteur et difficulté d'expression. La notion de « Hors les murs », dans toutes les bouches, nous inquiète vraiment. A contrario, nous réclamons la création de places car les familles n'ont plus le temps d'attendre, quitte à proposer des formules plus souples, pas forcément en internat. Ce peuvent être des petites unités encadrées par des professionnels parfaitement formés au polyhandicap. Mais un petit appartement en ville, c'est clairement « non » ! Il faut quand même un plateau technique de très grande proximité. Ce que l'on craint, avec toutes les annonces qui nous sont faites, ce sont les retours à domicile. Ce serait vraiment une aberration ! Mais on s'attend à tout.

H.fr : Dans le meilleur des mondes, que souhaiteriez-vous ? 
MR : Si le gouvernement ne veut pas nommer cela un plan, au moins qu'on nous accorde la mise en oeuvre des actions depuis l'annonce du volet lors du CIH, avec davantage de moyens financiers. Nous réclamons également une campagne de sensibilisation grand public, comme cela a été fait par les pouvoirs publics pour l'autisme. Il n'y en a jamais eu en 40 ans. Et puis il faut que l'on continue à se réunir pour progresser.

H.fr : Vous qui êtes sur le terrain depuis 40 ans, les choses ont tout de même évolué ?
MR : J'ai en effet présidé une association gestionnaire dans l'Eure pendant trente ans et j'ai vu tous les aspects. J'ai aussi été parent d'une petite fille polyhandicapée qui est décédée à sept ans car, à l'époque, il n'y avait pas les moyens de soin actuels. Alors, oui, les choses ont évolué, la prise en charge, la verticalisation… La population change mais il ne faut pas croire que le polyhandicap s'arrête pour autant. Je redis l'urgence à créer des places.

H.fr : Vous avez également mis en place depuis quelques années des rencontres-thématiques sur ce thème…
MR : Oui, ça se passe à l'hôpital Saint-Louis (Paris), au sein de l'Espace éthique dirigé par Emmanuel Hirsch. Ils ont lieu trois fois par an et réunissent des professionnels et des parents. La prochaine se tiendra le mercredi 19 septembre 2018 sur le thème : « Relais, pérennité, guidance ».

H.fr : Le 7 juin 2018 a lieu un congrès sur le polyhandicap à l'Unesco, à Paris…
MR : Il a lieu tous les ans depuis 20 ans, avec des thèmes variés. C'est une journée de formation dédiée aux familles et aux professionnels qui accompagnent les personnes polyhandicapées. La ministre sera malheureusement à Nîmes. Il n'y aura pas de personnalités politiques.

 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"

26/05/2018

Anosmie : Une association dédiée à la perte d’odorat

AFAA Sos anosmie : « Accompagner les personnes qui ont perdu l’odorat »

Rencontre avec Claire Fanchini, chargée de communication pour l’association AFAA Sos Anosmie, l’Association française pour l’ anosmie et l’agueusie, elle-même anosmique depuis trois ans.

Pouvez-vous nous présenter l’association AFAA Sos anosmie ?
L’association est basée à Anglet (64) et a été créée en 2015. Il y a déjà des référents dans plusieurs villes de France : je suis référente dans la région toulousaine, il y a un référent à Paris, et bientôt un en Normandie.

Nous nous sommes fixés 5 objectifs :
– Accompagner les personnes anosmiques.
– Faire reconnaître l’anosmie comme un vrai handicap, par la société et les pouvoirs publics. Car à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. Nous sommes des personnes handicapées qui ne sont pas reconnues comme telles. La MDPH évaluerait à 2% le handicap que représente la perte d’odorat.
– Participer à la recherche. Peu de recherches menées sur l’anosmie. On aimerait faire en sorte d’accompagner les équipes de chercheurs en leur apportant des sujets, des témoignages.

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont l’agueusie et l’anosmie ?
L’anosmie est la perte du sens de l’odorat. L’agueusie est la perte du sens du goût. Ces deux handicaps sont souvent associés car l’anosmie, par le phénomène de la rétro olfaction, entraîne une perte de la perception des saveurs, qui constituent elles-mêmes 75% de ce qu’on appelle communément le goût. Bien que souvent associés, l’agueusie et l’anosmie sont donc différentes. L’agueusie serait la perte de la sensibilité qui se trouve au niveau de la langue, donc du salé, du sucré, de l’acide et de l’amer. Alors qu’une personne anosmique perçoit encore ces sensations. Pour autant, les anosmiques ne sentent quasiment plus rien dans leur bouche, en raison du phénomène d’olfaction expliqué plus haut. Pour parler d’anosmie on emploie aussi les termes « hyposmie » et « dysosmie ». L’hyposmie est une perte partielle du sens de l’odorat. La dysosmie est une altération du sens de l’odorat. Certaines personnes sont anosmiques par épisodes. Cela part pendant quelques mois, cela revient… chaque cas est différent.

Quelles peuvent être les conséquences au quotidien ?
L’absence de plaisir lié à l’odorat : L’agueusie et l’anosmie sont des handicaps sensoriels qui empêchent de vivre un quotidien normal. Les conséquences sont nombreuses : une incapacité à bénéficier des plaisirs que nous offre l’odorat, ça peut être l’odeur des fleurs, l’odeur corporelle de son enfant… Je suis moi-même maman, je n’ai jamais pu sentir l’odeur de mon bébé et je trouve cela très triste. C’est aussi l’impossibilité d’apprécier les repas et du coup des difficultés à vivre des moments de convivialité autour de la nourriture. On ne partage plus le plaisir d’un vin ou d’un plat.
Un risque de dépression : Ces handicaps entraînent très souvent une dépression, liée aux privations de la perte d’odorat mais aussi aux difficultés à entrer en contact avec d’autres personnes, à se socialiser. C’est tout notre monde qui est altéré. Du jour au lendemain nous n’avons plus aucune information qui nous arrive au nez, et c’est très déroutant. Quelqu’un qui n’a pas de problème d’odorat sent en permanence des tas de choses sans même s’en rendre compte, à chaque entrée dans un lieu, à chaque personne rencontrée… il y a toujours énormément d’informations qui nous arrivent au nez.
Des mises en danger potentielles : Au-delà de la perte des plaisirs liés au goût et à l’odorat, il y a aussi une mise en danger car on ne sent plus les émanations de gaz, ni la fumée. Si un aliment est avarié on ne peut plus le détecter. Du coup il y a beaucoup d’aliments que je ne mange plus quand je suis seule, de peur qu’ils soient avariés : viande, poisson, œufs… J’ai plusieurs fois eu des problèmes d’intoxication parce que j’avais mangé quelque chose qui n’était pas frais. Je ne le savais pas et je n’ai pas su l’identifier ou trop tard. De même, un jour ma voiture a eu un problème alors que j’étais dans un petit village, et c’est quelqu’un qui m’a alertée sur la route, et qui m’a dit : « Il y a un problème ça sent très fort autour de vous ». Je ne m’en rendais pas compte car il n’y avait ni voyant, ni fumée et l’intérieur de mon moteur commençait à brûler.
Des difficultés identitaires et intimes : Il y a aussi une altération des rapports intimes, car en termes de libido on perd beaucoup, on ne sent plus l’odeur de l’autre et on a une vraie peur de l’odeur de son propre corps. On ne sait pas si on sent bon ou si on dégage une odeur désagréable. Du coup on perd confiance et on se pose tout le temps la question. Ne plus sentir sa propre odeur est aussi déroutant en termes d’identité.
Un impact sur la santé physique : Comme nous n’avons plus la perception des saveurs, beaucoup de gens développent des troubles alimentaires, soit parce qu’ils ne parviennent plus à s’alimenter, soit parce qu’ils vont se réfugier vers des aliments très salés ou très sucrés pour essayer de percevoir les goûts et ressentir des choses dans leur bouche.

Les origines et causes de l’anosmie et de l’agueusie sont-elles connues ?
Nous avons recensé des dizaines de causes possibles. Cela peut arriver n’importe quand à n’importe qui. Il peut suffire d’une simple grippe ou d’un coup sur la tête. Pour ma part c’est arrivé suite à un traumatisme crânien. Des cas d’anosmie ont été recensés suite à des grippes, des rhinopharyngites, des rhinites allergiques, des rhumes, des chocs émotionnels, des méningiomes (sorte de tumeur dans le cerveau qui est venue comprimer la zone olfactive). Nous faisons aussi un peu de prévention, car on sait que certains sprays nasaux décongestionnants ont une composition chimique qui peut venir attaquer la zone olfactive. C’est seulement le cas pour certains types sprays nasaux, mais il vaut mieux le savoir.

D’autres personnes naissent sans odorat et sans bulbe olfactif (anosmie congénitale). C’est aussi pour ces personnes que nous sommes là, pour les accompagner et faire en sorte que l’anosmie congénitale soit détectée très tôt. Lorsque des enfants naissent sans odorat, personne ne le détecte au départ. Quand on leur demande s’ils aiment un aliment, on leur parle de goût et d’odeur, et ils ne savent pas ce qu’est une odeur. Donc ils sont perdus. On leur parle de choses qu’ils ne comprennent pas. Tandis qu’ils avancent en âge, ils ont tendance à mettre en place des stratégies pour se cacher. Ils ont parfois honte de ne rien sentir. Certains disent : « Je croyais que j’étais nul en odeurs ». Un jour une dame nous a raconté que quand elle était petite fille elle avait dit à sa famille : « J’aimerais changer de nez » … et que tout le monde a ri en pensant qu’elle parlait de rhinoplastie. Alors qu’elle voulait juste pouvoir sentir, mais elle n’a pas su l’exprimer et après ces rires elle n’en n’a plus jamais parlé, parce que tout le monde s’était moqué d’elle.

Quelle peut être l’évolution de l’anosmie et de l’agueusie ?
L’odorat peut revenir totalement ou partiellement dans certains cas. Cela dépend de la cause ou de l’importance du traumatisme crânien si c’est ce qui a provoqué l’anosmie. Si la personne a le nerf olfactif sectionné, ça ne peut pas guérir. Par contre, si c’est des bulbes olfactifs qui ont été endommagés, la rémission reste possible. La spécialiste que j’ai rencontrée, à l’hôpital Lariboisière, m’a dit qu’elle avait elle-même un ami qui était devenu anosmique suite à un accident, et qu’il a récupéré une grande partie son odorat au bout de 15 ans. Ce qui donne un petit peu d’espoir aux autres. En tout cas, les études ont démontré qu’il y a un réel bénéfice à faire des exercices et sollicitations de l’olfaction pour la récupération de l’odorat. On nous parle aussi d’acupuncture… je pense qu’aucune piste n’est à écarter.

Existe-t-il des traitements pour l’anosmie et l’agueusie ?
Cela dépend des causes de l’anosmie. J’ai rencontré une dame qui était devenue anosmique parce qu’elle souffrait de gastrite. La gastrite a été soignée et elle a pu récupérer son odorat. Les spécialistes conseillent d’essayer de rééduquer l’odorat. Même si on ne sent rien. Faire soi-même des exercices d’olfaction, par exemple de prendre des fioles dans lesquelles il y aurait des aliments familiers (cumin, curry, menthe…) et dont il est plus facile de se souvenir que les autres. L’idée étant de stimuler la plasticité du cerveau pour reconstruire et inciter les neurones à se dire qu’il y a encore du boulot à faire, et que notre zone olfactive ne se dise pas qu’elle ne servira plus jamais. Aux États-Unis, des chercheurs essayent de mettre en place une thérapie génique, mais je ne sais pas à quel stade en sont leurs travaux.

Y a-t-il des alternatives pour conserver un attrait pour la nourriture ou y retrouver du plaisir à manger ?
Effectivement. À force d’essayer des aliments et de voir ce qui nous procure un minimum de sensations, nous parvenons à identifier ce qui nous est agréable. Du coup l’idée de l’association, c’est notamment d’aider des personnes anosmiques à retrouver des aliments agréables à manger en s’appuyant sur l’expérience d’autres personnes anosmiques. Nous pouvons ainsi les orienter vers des aliments qui nous semblent particulièrement agréables à nous. On a remarqué par exemple que l’on aime beaucoup les salaisons, parce que c’est salé, et parce qu’il y a une texture grasse. Le saumon fumé est aussi agréable, pour sa texture et son goût salé. C’est vraiment sur ces questions de texture que l’on essaye de travailler, et je vois bien que maintenant, un plat qui est sec ou sans sauce m’est immangeable… car je n’ai vraiment plus de saveurs. Je vais donc rechercher des choses plus onctueuses, grasses, avec des textures variées dans la bouche, du croustillant ou du moelleux.
Bernard, président de notre association, a également trouvé des alternatives : « La difficulté à se nourrir vient du fait qu’on identifie plus l’aliment, donc nous n’avons plus que la structure dans la bouche. Ma solution a été de manger des choses qui s’avalent facilement, des soupes moulinées, des yaourts à boire… Le but étant de manger correctement et de rendre le moment du repas le moins pénible possible. Les bananes conviennent bien aussi car elles sont identifiables en bouche, elles sont riches en nutriments et vitamines… elles ont une touche sucrée et il n’y a pas besoin de mastiquer ».

Peut-on estimer le nombre de personnes touchées par l’ anosmie et l’agueusie ?
Une étude a été menée par le docteur Moustafa Bensafi, directeur de recherche au CNRS à Lyon.  Il aurait ainsi estimé à 4% le nombre de personnes touchées par l’anosmie en France. Ce qui est énorme car cela représenterait plus de 2 500 000 personnes. Ce qui semble possible, car nous avons assisté avec les membres de l’association au Congrès de l’olfaction de Paris (qui réunissait des industriels de la cosmétique et de la parfumerie), et nous y avons rencontré plusieurs anosmiques – qui étaient là non pas pour l’anosmie mais simplement parce qu’ils faisaient partie de la communauté des parfumeurs. C’est assez intéressant de voir que sur 200 personnes, nous étions au moins 4 personnes anosmiques, et pourtant sur un salon dédié aux parfums.
Selon la même étude, il y aurait également 10% de personnes touchées par des troubles de l’odorat en France (anosmie, hyposmie, dysosmie). Quant à l’agueusie, je ne dispose pas d’informations chiffrées, mais ils seraient moins nombreux que les anosmiques.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
L’une des grandes difficultés des anosmiques, au-delà de la souffrance que ça représente, c’est de se confronter au fait que très peu de personnes peuvent nous aider, même les ORL ne sont pas formés. Nous devons rechercher les quelques spécialistes qui existent en France, se diriger vers eux, attendre un certain temps pour obtenir un rdv… Pendant tout ce temps-là, on est confrontés à des médecins qui ne nous aident pas beaucoup parce qu’ils ne connaissent pas bien l’anosmie, mais aussi à nos proches qui ont tendance à minimiser ce qui nous arrive. Parce qu’ils ne peuvent pas se rendre compte. C’est aussi ce qui fait que les gens peuvent avoir tendance à se replier sur eux, à ne plus en parler. Ils ne veulent plus entendre : « Ce n’est pas si grave ». On l’entend tout le temps…

Plus d’infos sur : www.sos-anosmie.com

Troubles bipolaires : 3 à 5% de la population concernée

Maladies méconnues – Bi-Pôles 31 : « Les troubles bipolaires touchent 3 à 5% de population »

Loin d’être une maladie rare, les troubles bipolaires sont cependant très méconnus du grand public. Pour lutter contre les préjugés et faire connaître davantage cette maladie, nous sommes allés à la rencontre de Dominique Fauck, coordinatrice du groupe d’entraide Bi-Pôles 31 à Toulouse.

Pouvez-vous nous présenter l’association Bi-Pôles 31 ?
Bi-Pôles est une association qui a un statut spécifique : C’est un groupe d’entraide mutuelle. L’association a été créée en 2006 et a donc aujourd’hui près de 11 ans. Elle accueille des personnes souffrant de maladies psychiques et principalement de troubles bipolaires. Nous avons un local à Toulouse et nous drainons des adhérents tout autour de Toulouse. Aujourd’hui nous avons 150 adhérents qui habitent à Toulouse et jusqu’à 50 km alentours.
Nous accueillons les personnes 35 heures par semaine, en journée. L’idée est de créer du lien social à travers des activités. Sur les ateliers, nous accueillons uniquement des personnes souffrant de troubles bipolaires, par contre sur la formation, nous accueillons également les aidants, les familles, des professionnels… pour essayer de diffuser le maximum d’informations. Nous proposons également beaucoup d’informations au travers de groupes de parole, d’échanges d’expériences et des conférences animées par des psychiatres sur le thème de la maladie bipolaire.

Les troubles bipolaires, qu’est-ce que c’est concrètement ?
Un trouble bipolaire est un trouble de l’humeur, avec des variations d’humeur importantes. Il y a différentes pathologies rattachées aux troubles bipolaires.
La forme la plus classique et la plus connue est celle qu’on appelait avant la psychose maniaco-dépressive. Elle entraîne une alternance d’humeurs très dynamiques (trop) qui peuvent aller jusqu’à une hyperactivité voire du délire et/ou des hallucinations, et avec derrière des phases de dépression très profondes et une relative stabilité. C’est une maladie cyclique avec des hauts et des bas dans les troubles de l’humeur. Il faut imaginer un thermostat de l’humeur déréglé : il est ou trop chaud ou trop froid mais rarement à la bonne température. C’est la forme la plus bruyante, la plus classique. Elle représente la moitié des cas.
Il y a d’autres formes qui sont différentes et beaucoup moins bruyantes et pourtant beaucoup plus compliquées à soigner, avec des montées d’hyperactivité et d’euphorie plus faibles, des descentes plus profondes, mais avec des cycles plus rapides. Il y a également des formes avec ce que l’on appelle des bipolaires unipolaires, c’est-à-dire que ces personnes sont tout le temps en hyperactivité ou tout le temps en dépression.
Ce qu’il faut savoir c’est que c’est une maladie pour laquelle le délai moyen de diagnostic est de 8 ans environ. Donc en général il faut voir avant 3 à 4 psychiatres minimum avant de parvenir à détecter la maladie bipolaire. Et plus d’un tiers des personnes qui sont soignées pour dépression sont en fait des personnes qui souffrent de troubles bipolaires et qui donc sont mal soignées.

Existe-t-il des traitements ? Si oui quels sont-ils ?
Les troubles bipolaires peuvent se soigner avec un régulateur d’humeur : un thymorégulateur, et suivant les phases, avec un antipsychotique pour éviter la phase montante, ou des antidépresseurs sur la phase descendante, et idéalement une combinaison de molécules complété par un accompagnement en psychothérapie.
Ce qui est compliqué c’est que chaque personne est un cas individuel. Pour chacun il faut trouver la bonne molécule, le bon dosage… et cela peut prendre plusieurs années. Ce qui marche très bien peut être une catastrophe pour l’autre. On est vraiment sur des traitements sur-mesure.

Que sait-on des causes des troubles bipolaires ?
On entend très souvent parler des troubles bipolaires comme d’une maladie génétique, or ce n’est pas le cas. Ce qui est important c’est de savoir qu’il y a trois causes recensées à ces pathologies : c’est la combinaison de trois facteurs :
– Un terrain familial favorable : des personnes pour lesquelles il y a eu beaucoup de dépression dans la famille, des suicides, des personnes dites insupportables…
–  L’environnement social, économique, familial.
– Le tempérament.
À un moment donné on est avec cette maladie-là, qu’on développe, ou pas. Cela peut être latent. Un psychiatre nous a raconté qu’il a eu un patient dont les troubles bipolaires se sont déclenchés pour la première fois à 85 ans. Ceci dit c’était un cas exceptionnel. Généralement ce sont des maladies du jeune adulte, fin d’adolescence – jeune adulte.

Au-delà des causes il y a également des déclencheurs. Il peut s’agir d’événements de vie. Le cannabis, l’alcool et autres toxiques sont des déclencheurs extraordinaires, mais sans être des causes. Cela réveille quelque chose qui est là.

Par rapport au fait de guérir, aujourd’hui on ne parle pas de guérison sur la maladie psychique. On ne sait pas comment va évoluer la science dans le temps. En revanche, on parle de rétablissement, c’est-à-dire qu’une personne qui est bien suivie, qui suit son traitement, qui a une psychothérapie, qui voit un psychiatre, et surtout qui a une hygiène de vie assez stricte, peut vivre normalement, avoir une vie de famille normale et travailler normalement. C’est la combinaison de tout ça qui fait que les choses sont possibles.

Quels sont les préjugés qui reviennent le plus souvent au sujet des troubles bipolaires ?
Par rapport à la maladie psychique on parle beaucoup de dangerosité. C’est complètement erroné. Il faut savoir que la dangerosité, qu’elle soit dans les troubles bipolaires ou la schizophrénie, est inférieure à celle de la moyenne nationale de la population. Une personne bipolaire a moins de risques de commettre un crime que la moyenne de la population. En revanche, pour une personne bipolaire non soignée, le taux de suicide est proche de 30%. La réalité c’est donc que les personnes sont dangereuses pour elles-mêmes, et souvent quand il y a comorbidité – c’est-à-dire consommation de toxiques, d’alcool – c’est dans ces cas-là qu’il peut se passer des choses. Et finalement la véritable cause n’est pas la pathologie psy mais cette consommation. C’est plus une prise de risques, par exemple une personne qui va conduire très vite ou qui peut avoir des comportements où elle va se mettre en danger… et en se mettant en danger cela peut par ricochet mettre d’autres personnes en danger, mais pas dans une volonté délibérée de violence.

Il y a vraiment des représentations sur lesquelles on travaille dans le domaine de la santé mentale, pour aborder les préjugés auprès du grand public, la connaissance, l’information, pour essayer d’arriver à mieux intégrer les personnes malades psychiques dans la société.

Il faut savoir également que 80% des personnes malades psychiques sont aujourd’hui suivies en ambulatoire et pas en hôpital psychiatrique comme on le pense. Donc ils sont dans la cité, ils s’intègrent même si c’est parfois difficile de tisser du lien social. C’est pourquoi l’association Bi-Pôles 31 a pour objectif de les aider à créer ou recréer du lien social, se remettre en activité et les accompagner vers des structures qui leurs conviennent en matière d’accompagnement individuel et selon leurs besoins. Que ce soit vers l’emploi, l’activité, les soins…

Combien de personnes sont touchées en France par les troubles bipolaires ?
À priori les chiffres ne font pas de différence suivant les zones géographiques, que ce soit dans n’importe quel continent. La seule chose c’est que les études ne sont peut-être pas menées de la même manière dans les différents pays. On parle aujourd’hui de 3 à 5% de la population touchée par des troubles bipolaires.

À quel moment les troubles bipolaires peuvent-ils se déclencher ?
Les troubles bipolaires se déclenchent souvent à l’âge du jeune adulte. Des études sont menées et pour le moment il semble qu’on n’arrive pas à identifier de signes précurseurs chez les enfants. Toutefois ces troubles peuvent se déclencher à tout moment à l’âge adulte, avec des personnes qui vont les développer à 18 ans, à 25 ans, à 40 ans…

Y-a-t-il des évolutions particulières en matière de recherche ?
Il y a beaucoup de choses qui bougent, notamment au niveau des neurosciences et de l’imagerie médicale, où l’on peut identifier des zones du cerveau qui ont subi des décompensations et la plasticité du cerveau. En termes d’études, cela permet d’essayer de réduire l’activité de la partie du cerveau correspondant à l’émotionnel et la sensibilité au profit de la partie du cerveau correspondant au travail et à la concentration. Le but étant de diminuer l’hyperémotivité liée aux troubles bipolaires. Il y a des outils aujourd’hui qui fonctionnent très bien, comme la méditation en pleine conscience : elle donne la possibilité de réduire la sensibilité aux émotions pour avoir moins de vulnérabilité et d’hyper-sensibilité au stress.

Cela permet-il d’éviter les médicaments ?
Souvent les médicaments sont obligatoires. Pour la maladie bipolaire aujourd’hui il faut composer avec un traitement de base avec médicaments, une psychothérapie en accompagnement et tout ce qu’on peut mettre en place autour comme la méditation, la relaxation. Plus on arrive à stabiliser les phases, et plus on réduit les médicaments.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Vous pouvez trouver de nombreuses informations sur les troubles bipolaires, ainsi que tout ce qui concerne l’association Bi-Pôles 31, sur le site internet : www.bipoles31.fr.
Le local de Bi-Pôles 31 est situé au 3 rue Marie Magné, à Toulouse (31300).
Mail : bipoles31@free.fr

Rencontre avec l’Association Lyonnaise des Devenus Sourds et Malentendants

Rencontre avec l’Association Lyonnaise des Devenus Sourds et Malentendants

Nous avons rencontré Rachel et Jean-Claude, membres de l’ALDSM, l’Association Lyonnaise des Devenus Sourds et Malentendants.

L’ALDSM, qu’est-ce que c’est ?
Créée il y a 40 ans, l’ALDSM propose aux personnes devenues sourdes et malentendantes de se retrouver régulièrement pour sortir de l’isolement qui peut être induit par la déficience auditive. Nous organisons des sorties et réunions, mais aussi des stages de lecture labiale, pour mieux communiquer. Nous faisons de la sensibilisation auprès des professionnels et dans les écoles. Nous menons en parallèle des actions pour que la culture nous soit plus accessible : sous-titrage des films, transcription des conférences…

Quelle est la particularité des personnes devenues sourdes et malentendantes par rapport aux personnes nées sourdes ?
Les personnes nées sourdes ont souvent appris la LSF très tôt, sont allées dans des écoles spécialisées ou ont eu une adaptation spécifique. À l’inverse, les devenues sourds et malentendants sont habitués à vivre comme des entendants et se retrouvent brutalement coupés de ce qu’ils connaissent. Ils manquent de repères et s’expriment rarement en LSF. Nous utilisons plutôt la lecture labiale. Soit on l’apprend instinctivement quand on est devenu malentendant très tôt, soit on prend des cours une fois devenus adultes. Par ailleurs que l’on soit né sourd ou devenu sourd, ce handicap est invisible, ce qui s’ajoute aux autres difficultés.

Quelles peuvent être les origines de ce handicap ?
Elles sont nombreuses. Certains médicaments peuvent provoquer une baisse d’audition (médicaments auto-toxiques), cela peut aussi provenir d’un traumatisme sonore, un choc, un traumatisme crânien, une maladie… Certaines personnes deviennent sourdes avec l’âge. Toutefois cela peut survenir à l’adolescence, à l’enfance, ou à n’importe quel moment de la vie.

Existe-il des solutions pour faciliter le quotidien des personnes devenues sourdes ?
Le « remède » principal consiste à porter des appareils auditifs, qui vont améliorer la compréhension, et permettre au cerveau de rester toujours actif en percevant des sons extérieurs, comme la parole ou la musique. Il y a aussi la mise en place d’implants cochléaires, une opération au niveau crânien qui permet de court-circuiter un peu l’oreille de façon à pouvoir percevoir des sons autres que celles que l’oreille ne peut pas donner. En tout cas il faut stimuler le cerveau le plus possible. Plus l’appareillage est posé tôt et plus il ralentira l’évolution de la déficience. Les applications Smartphone sont aussi très utiles, de même qu’internet nous sert beaucoup pour la communication.

Combien de personnes sont concernées aujourd’hui ?
On estime qu’il y a aujourd’hui en France 6 millions de personnes déclarées malentendantes. Sachant que beaucoup ne se considèrent pas comme telles.

Y-a-t-il des préjugés concernant les personnes devenues sourdes ou malentendantes ?
Parfois on nous prend pour des idiots tout simplement parce qu’on n’entend pas ou qu’on ne comprend pas exactement ce qui est dit. Aussi on remarque souvent que quand les gens comprennent qu’une personne est malentendante, elles ne cherchent plus à établir un dialogue. Elles abandonnent et confinent cette personne dans l’isolement… notamment dans les réunions de famille. Pour ma part, j’ai parfois des personnes qui me résument les conversations par écrit pour que je puisse comprendre et participer, ce qui me permet de ne pas être à l’écart.

Plus d’infos sur : www.aldsm.fr

En résumé
Difficultés : Handicap invisible, coupure brutale avec « le monde des entendants », communication et compréhension, risque d’isolement social. Différence par rapport aux sourds de naissance.
Causes : Médicaments auto-toxiques, traumatisme sonore, choc à la tête, maladie…
Traitements existants : Appareillages auditifs, stimulation du cerveau avec les sons restants.
Recommandations : Essayez d’éviter toute mise à l’écart. La communication est souvent possible par les gestes et peut être simplifiée par l’usage d’un smartphone, ou de l’écrit.

Fibromyalgie : Une fiche dédiée de l’assurance maladie

L’assurance maladie publie une fiche sur la fibromyalgie

La fibromyalgie toucherait aujourd’hui près de deux millions de personnes en France. Peu connue du grand public et difficilement diagnosticable, elle fait aujourd’hui l’objet d’une description informative sur le site de l’Assurance Maladie. Depuis la rentrée, le site ameli.frmet à disposition des malades et des professionnels de santé un document officiel présentant les symptômes, les méthodes de diagnostics et traitements de la fibromyalgie. Un symbole fort pour les associations dédiées, qui y voient une forme de reconnaissance et une réponse à leurs souhaits de clarifier les caractéristiques spécifiques de ce trouble. Car si elle considérée comme une réelle maladie rhumatismale par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1992, nombreux sont les médecins qui la méconnaissent ou l’appréhendent comme un syndrome difficile à comprendre.

La fiche Ameli fait état d’un tableau clinique principalement constitué d’une douleur chronique (plainte majeure chez les patients), mais aussi une fatigue intense, une perturbation du sommeil, des difficultés cognitives affectant la vie quotidienne des personnes. Le diagnostic repose sur une évaluation et un examen clinique permettant l’élimination d’autres pathologies pouvant expliquer les douleurs et troubles associés. Il n’existe aucun traitement permettant une guérison mais plutôt des prescriptions thérapeutiques visant à réduire autant que possible les symptômes les plus gênants et à diminuer l’impact sur la vie quotidienne.

L’Assurance Maladie propose quelques recommandations aux patients, notamment une bonne hygiène de vie (bon sommeil, relaxation, reprise d’une activité physique adaptée) mais aussi le recours à des médecins spécialistes pour apprendre à mieux gérer la douleur et la fatigue (rhumatologues, neurologues, psychiatres…). Page à consulter : https://www.ameli.fr/assure/sante/themes

Véronique Barreau